Novembre 2012 - le projet de loi sur la « retenue pour vérification du droit au séjour des étrangers », déjà adopté par le Sénat, est en discussion à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’une mesure qui ne frapperait que les étranger⋅e⋅s, permettant de les priver de liberté pendant 16 heures d’affilée.
Cette première initiative du gouvernement Ayrault en matière de (non)-droit des étrangers est censée pallier le vide législatif intervenu depuis deux arrêts récents de la Cour de justice de l’Union européenne. Il n’est en effet plus possible de poursuivre et de condamner à une peine d’emprisonnement un étranger ou une étrangère au seul motif de leur situation irrégulière. Par ricochet, le placement en garde à vue pour les étrangers et les étrangères soupçonnées d’être en situation irrégulière est désormais impossible.
Pour contourner la lettre et l’esprit de ces décisions de justice, le gouvernement Ayrault innove : d’une durée pouvant aller jusqu’à 16 heures, cette nouvelle privation de liberté, échappant à tout contrôle par une autorité judiciaire, sera réservée à des étrangers et étrangères n’ayant commis aucune infraction pénale.
Communiqué du GISTI
Ensuite il est écrit, côte à côte pendant des jours, côté à côte le dieu harnaché et la fille de vive-douleurs, des nuits, des saisons, des soleils et des lunes, un temps incalculable.
MARCHE VERS LE LEVANT
ET TU ARRIVERAS
IO
TU ARRIVERAS AU LOINTAIN PAYS
OU FLAMBOIENT LES EAUX DU SOLEIL
OU COULENT LE NIL ET LE NIGER ET LE KONGO
OU REVENT LES IMMENSITES DU TANGANYIKA
MARCHE VERS LE LEVANT
ET TU ARRIVERAS AU LOINTAIN PAYS DU FLEUVE
OU LES GENS SUR LES BERGES ONT LA COULEUR D’UN NOIR EXTREME
QU’ON DIT BLEU
OU ETHIOPIQUE
JUSQU’EN HAUT DES MONTS BYBLOS
OU LE NIL A DES EAUX IMMENSES ET SAINTES
MARCHE
VERS LES EAUX SALUTAIRES
VERS LE LEVANT SONT LES EAUX DU SOLEIL
Kossi Efoui, Io (tragédie)
Sur ta gauche tu apercevras le peuple qui produit l’acier
Les Chalybes
Mais reste sur tes gardes
Ce sont des sauvages
Ils n’accueillent pas les étrangers
Eschyle, Prométhée enchaîné
Et quel souvenir gardez-vous de la fermeture du centre ?
L’autre chose c’était les bunkers. Il y avait des chemins vicinaux qui menaient du centre jusqu’à des bunkers de la seconde guerre mondiale. Là s’installaient ceux qui ne pouvaient pas rentrer dans le centre, tous ceux qui étaient en rade. On allait boire le thé là bas, ça gouttait du plafond.
Deux millions d'immigrés fuient vers leur pays d'origine, d'autres, originaires du Soudan, de Somalie, d'Irak, d'Erytrée, échouent dans des camps de fortune aux frontières tunisiennes et égyptiennes.
Les rebelles libyens traquent les noirs, les soupçonnant d'être des mercenaires à la solde de Khadafi. Beaucoup tentent la traversée de la Méditerranée pour rejoindre l'Europe.
Une pièce d'Eschyle raconte l'histoire de réfugiées africaines en Grèce, Les Exilées. Menacées de viol par leurs cousins, elles viennent demander asile au roi d'Argos - elles affirment descendre d'une princesse d'Argos, Io, qui autrefois est partie se réfugier en Afrique. Le roi, incrédule, se moque d'elles : "Comment pourriez-vous être d'Argos ? Vous ressemblez à des Libyennes, pas aux femmes de ce pays".
Je m’appelle Io. Non. A chaque fois que je me fais arrêter, je donne un nom différent. Mon dossier, c’est 200 pages de noms différents. C’est quoi tous ces noms, dit le juge.
C’est moi.
Je m’appelle Bio, je suis Kosovar.
Je m’appelle Mio, je suis chinoise.
Je m’appelle Dio, je viens de Ziguinchor, de Kaboul, du Cachemire pakistanais. Avec mon sac en plastique, je ne sais pas où aller. La dame de Terre d’Asile ne m’a pas sélectionnée pour aller dormir ce soir dans le local de L’Armée du Salut. Encore une nuit dans les buissons, avec les chats. Place du Colonel Fabien, je m’adosse au figuier de chez moi. Ma mère m’embrasse sur les deux joues. Alors, tu es contente de ton travail ? Et ta chambre elle est comment ? Elle a les couleurs du magasin Picard sur le trottoir.
Violaine Schwartz, Io 467
novembre 2012 - dixième anniversaire de la fermeture du Centre de la Croix Rouge à Sangatte.
Des centaines de migrants errent toujours dans le département du Pas-de-Calais, dispersés le long des autoroutes, dans l'attente d'un passage en Angleterre.
Derniers squats et abris de fortune ont été détruits fin septembre par les forces de l'ordre. Depuis, il pleut.
Prométhée et l'aigle © I.B.
Io © I.B.
- Dans les pas de ceux qui fuyaient, nous entendions la peur. Et il nous suffisait d’écouter le battement de nos cœurs, plus rapide encore que le pas des fuyards, pour sentir notre propre frayeur. Au cours de notre fuite, j’avais l’impression que tout autour de nous était noyé dans une sorte de liquide amniotique, que les longs rivages de la péninsule étaient couverts d’épaves craintives, d’hommes, de femmes et d’enfants, qui encombraient le littoral et les confins terrestres, pareils à des débris que l’on a balayés.
- Vous comptez y retourner ?
- Y retourner ? Où veux-tu retourner ? Il n’y a plus de pays là-bas.
Nuruddin Farah, Hier, demain - Voix et témoignages de la diaspora somalienne
Agence destinée à lutter contre l'immigration clandestine et à surveiller les frontières de l'Union Européenne, Frontex a vu son budget passer de 6 à 86 millions d'euros ces six dernières années.
Fin 2011, elle a organisé des démonstrations en vol pour équiper sa flotte de drones en tant qu'outils de surveillance aérienne destinés à survoler la Méditerranée et les frontières terrestres de l'espace Schengen.
Les opérations de Frontex portent les noms des dieux de l'Olympe : Hera stoppe les pirogues au départ du Sénégal ou de la Mauritanie, Minerve autour des Baléares, Hermes dans le canal de Sicile, Poseidon s'occupe des interceptions en mer Egée.
Juillet 2012 - la police grecque organise des rafles d'étrangers dans les rues d'Athènes et autres villes grecques.
Grâce aux crédits alloués par l'Europe, la Grèce prévoit la construction d'une trentaine de centres de rétention supplémentaires, pour une capacité globale de 30 000 places.
Aussitôt tout fut détruit
Ma beauté
Mon esprit
Des cornes poussèrent sur mon front
Un taon aux dents acérés me prit en chasse
D’un bond furieux je partis chercher refuge à Kenchrène
Près de l’eau pure des ruisseaux et des sources de Lerne
Puis rendue folle par les piqures de la mouche
Je me mis à courir au hasard des routes
De pays en pays
Eschyle, Prométhée enchaîné
Otonmaptaaee
Zeus
Toi qui protèges les demandeurs d’asile
Tourne tes regards vers nous
Vers notre périple par-delà les mers
Nous avons levé l’ancre
Nous sommes parties du delta du Nil
Des bouches du fleuve et des buttes de sable fin
Laissant derrière nous l’Egypte
Terre de Zeus
Qui partage ses pâturages avec la Syrie
Eschyle, Les Exilées
Décembre 2012 - le quotidien anglais The Guardian raconte les réfugiés syriens refoulés à la frontière gréco-turque.
Depuis août, l'Union Européenne a alloué de nouveaux moyens à la police grecque, dans le cadre de l'Opération Bouclier, afin d'empêcher les familles fuyant les combats en Syrie de pénétrer dans l'espace Schengen. Ils doivent rester dans les camps installés par l'ONU dans les pays voisins, Turquie, Irak, Jordanie, Liban. Cherchant à contourner les patrouilles de l'agence Frontex et de la police grecque, certains se noient ou meurent de froid dans le fleuve Evros ou en cherchant à atteindre les îles grecques de la mer Egée.
Décembre 2012 - "Il y a donc une odeur particulière à l’Athènes de ce début du deuxième hiver de l’ère des Mémorandums: l’odeur du bois qui brûle dans les cheminées et les poêles qui ont un peu partout remplacé le chauffage au fioul désormais inabordable. Résultat: le soir, la ville est enveloppée d’une sorte de nappe de brouillard, qui va de pair avec l’odeur âcre de la combustion. Autre résultat : les forêts sont déboisées de façon sauvage, comme sous l’Occupation – mais aussi les champs d’oliviers, ce qui ne s’était jamais vu, même sous l’Occupation." Stathis Kouvelakis
Je combattrai en première ligne pour vous défendre
Tous les habitants d'Argos se battront pour vous
Le vote des citoyens en a décidé ainsi
Rien ni personne n'est au-dessus de son pouvoir
Eschyle, Les Exilées
© Alessandro Penso
Développé avec Berta